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dimanche 7 octobre 2012

exposition inédite (une cinquantaine de dessins) à Gennevilliers


En voiture pour
de belles destinations franciliennes


(en passant, bien sûr, par Paris)


Une rame TER en gare du Nord

Le long du fleuve tourmenté de l’histoire surgit une île, à la fois fabuleuse, fastueuse et bien réelle: l’Ile-de-France. Et  comme sur toute île, en principe, on s’y sent bien, à la fois entouré par l’eau sachant imposer ses distances et baigné par l’envie de bâtir des rêves…

C’est le grand songe d’une région qui a tant de choses et richesses à offrir, sur un territoire en définitive réduit (12.000 km)! La plus petite des régions de France est aussi la plus peuplée, pas loin de douze millions d’âmes. Certes, bien souvent, elle incarne l’enfer des transports en commun saturés, l’asphyxie d’un urbanisme trop dense, la course contre la montre pour gagner sa vie à la sueur de son front.

Mais si on exclue ces «désagréments», on se dit qu’on a la chance, vraiment, de vivre dans une région magnifique, plurielle, où les siècles ont tissé la toile d’un patrimoine éclatant, que tant de peuples nous envient : châteaux, palais, cathédrales, églises, manoirs, monuments de toutes sortes,  et même usines.

L’Ile de France est aussi une région surprenante par ses contrastes et par la diversité de ses paysages, où il suffit de prendre un train pour se retrouver, quelques minutes plus tard, au chœur d’une forêt ou  - notamment dans l’Essonne et la Seine et Marne -  au milieu d’une immensité de champs submergés par le silence. Et puis, à quelques dizaines de kilomètres de Paris, il existe encore bien des villages échappant aux ravages de l’incivilité et de l’insécurité, où «tout le monde» se connaît.

Enfin, lors de ces échappées belles, il convient de se laisser subjuguer par des atmosphères fluviales mêlant intimité et soif du grand large : ponts, péniches, moulins… Pour autant, n’oublions pas que l’Ile-de-France est la région la plus créatrice de richesses en France, d’où la présence, dans l’éventail de dessins présentés ici-même, de plusieurs usines… ou mêmes de réminiscences industrielles, telle la Presse Bliss bien visible dans les rues de Gennevilliers.
L’Ile-de-France : elle est si belle, si pleine de joyaux et de gens formidables qu’on en vient à se demander pourquoi, au lieu de vouloir voyager toujours si loin, on ne devrait pas se mettre à la (re)découvrir en priorité…

Yann Le Houelleur




Notre-Dame de Paris  Un vaisseau ancré au coeur de notre histoire


Dessin fait au crayon le 13 février 2010 à travers les baies du café le Panis
Toute évocation de Paris et de l’Ile-de-France ne peut que débuter par elle! Car Notre-Dame constitue le cœur de cette région tout comme elle est au cœur de l’histoire de France, une histoire sur laquelle, hélas, tant de gens font aujourd’hui l’impasse.

La première pierre de Notre-Dame fut posée en 1163, en la présence du roi Louis VII.
Au milieu du parvis de la cathédrale  - un espace foulé par des millions de touristes chaque année -  est incrustée une plaque de bronze comportant les quatre points cardinaux. En fait, le kilomètre zéro de la France, à partir duquel sont mesurées toutes les distances au sein même de notre pays.
Lieu de ralliement, lieu de convergence, Notre-Dame de Paris s’apparente à un vaisseau de pierre et de verre saupoudré de dentelles dont le soleil, quelle que soit la saison, s’arrange toujours pour mettre en exergue la grâce et la majesté.
Sans doute ce chef d’œuvre de l’épopée gothique est-il en France l’église aux proportions les plus harmonieuses, les lignes horizontales et verticales se conjuguant dans le souci d’un parfait équilibre. D’une symétrie parfaite, Notre-Dame a été fort bien préservée au fil des siècles, à tel point que les centaines de saints, d’anges, de chimères, de monstres et de créatures fantastiques sculptées sur la façade et sur les voussures de portails ont conservé leurs têtes et l’intégralité de leurs corps.
Hélas, pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle, les abords de la cathédrale ont été saccagés par le baron Haussmann qui a fait une croix sur les maisons médiévales pour y faire surgir des bâtiments imposants d’une grande froideur architecturale. Ainsi Notre-Dame se trouve-t-elle passablement dépaysée…




Le Louvre  Les rois de France n'ont pas cessé de l'embellir



Dessin fait au stylo feutre et au pastel le 5 mai 2012 dans la cour Napoléon

Quel destin! Le Louvre est à la fois la locomotive des musées français (9 millions de visiteurs par an) et un ancien palais où le cœur de la France a battu intensément. Les pyramides installées dans la cour Napoléon à l’occasion du projet du Grand Louvre ne sont qu’une péripétie de plus dans les interminables chantiers d’embellissement et d’agrandissement que connut l’ancien siège du pouvoir royal.

Comment imaginer, au milieu de ce déploiement d’ailes de bâtiments à la fois cossus et élégants, ruisselants d’ornements et ornés de sculptures, que le Louvre fut à l’origine un donjon haut de 30 mètres entouré d’un rempart flanqué de tours? Au Moyen-âge, Paris était en proie à d’incessantes offensives. Et c’est François 1
er qui à partir de 1528 donna le coup d’envoi de la métamorphose perpétuelle du Louvre, dont il fit une demeure royale. En 1546, il fit araser le donjon et ordonna l’édification d’un bâtiment Renaissance.
Henri II, Henri IV, Louis XIV, Louis XVI, puis Napoléon III : dans le droit fil de François 1er, les rois et empereurs de France firent appel aux architectes les renommés pour moderniser et étoffer le Louvre, lequel est à la fois régi par la Renaissance et le classicisme.
Quand on visite ce musée, il ne faut donc pas se contenter d’admirer les œuvres de toutes les époques exposées, parmi lesquelles la fameuse Joconde. Il importe aussi se replonger dans l’histoire de France et de comprendre l’évolution de l’architecture.
Bien d’autres châteaux, à travers l’Ile-de-France  - en particulier Versailles et Fontainebleau -  ont certains points communs avec le Louvre, construits par les mêmes rois et les mêmes architectes par les mêmes rois!



 Le pont Neuf  En été, le rendez-vous
de prédilection des Parisiens


Dessin fait au crayon, au stylo feutre et au pastel le 23 août 2012 

Quand le soleil se fait tapageur, en été surtout, de nombreux Parisiens se mettent en quête de fraîcheur, en plein air, après leur journée de travail. La chaleur les incite à renouer avec celle qui a donné naissance à la ville: la Seine!

A la nuit tombée, les rives du fleuve regorgent de toute une vie tissée de convivialité et de détente. La moindre portion de berge disponible prend les allures d’une terrasse d’auberge improvisée: des groupes d’amis étalent, sur des nappes blanches ou à carreaux, toutes sortes de vivres; et le rosé, parfois même le champagne, se met à couler à flots.Parmi les rendez-vous de prédilection des Parisiens, tout comme des touristes: un square situé en contrebas du vénérable Pont Neuf, appelé Vert Galant. Tel était le surnom donné au roi Henri IV.
Rien de plus agréable que de se détendre en écoutant les clapotis de l’eau, une musique qu’étouffent, assez fréquemment, des chalands et des bateaux mouche glissant sur la Seine.
On ne se lasse pas d’admirer les ponts de la capitale, et le square du Vert-Galant est un excellent point de vue en la matière. En aval s’étire, soutenu par des arches ténues, le Pont des Arts, avec en arrière plan l’époustouflante masse du Louvre ponctuée de dômes en impériale.
En amont, l’un des «monuments» les plus emblématiques de Paris: le Pont Neuf, inauguré sous les auspices d’Henri IV en 1607. Au Moyen-âge, puis au début de la Renaissance, les ponts étaient encore «bâtis»: le nouveau venu apparaissait dépourvu de toute maison et il comportait des trottoirs. L’architecte Baptiste Audrouet du Cerceau soigna l’esthétique du Pont Neuf: des balconnets en demi-lune furent aménagés entre les douze arches et sous l’entablement furent sculptés des mascarons, des grotesques au nombre de 381.


Saint-Lazare  Tant d'années après Monet...
Dessin fait au crayon, au stylo feutre et au pastel le 3 avril 2008 
La gare semble régie par les humeurs circulaires de maintes horloges. Selon les heures et les quarts d’heures affichés, les aiguilles imitent tantôt le bec d’un oiseau tantôt une danseuse faisant le grand écart.
Le mariage des aiguilles et des aiguillages, dans cette gare qui n'a plus vraiment d'âge.
S’envolent les minutes. Se faufilent, entre les quais, les trains. Et s’enfilent dans les rames, au premier coup de sifflet venu, des voyageurs impatients de regagner leur demeure.
Les motrices poussent des soupirs et des halètements étouffés.
Cela fait si longtemps qu’elles ont disparu, les locomotives à vapeur dont le panache blanc et argenté avait enchanté le pinceau de Claude Monet
Si cet impressionniste se remettait à peindre Saint Lazare aujourd’hui même, il lui faudrait ajouter un incontournable détail : les panneaux d’affichage électroniques de la SNCF, criblés de lettres jaunes, annoncent les heures de départ et d’arrivée des trains, avec des destinations moins exotiques: Enghien, Houilles, Pontoise, Asnière, Bois Colombes, ainsi que Rouen et Le Havre…

Le pont d'Asnières  Il a inspiré Van Gogh...

Dessin réalisé au crayon le 23 avril 2011
Ce pont ferroviaire enjambant la Seine entre les communes de Clichy-la-Garenne et d’Asnières a été immortalisé par Van Gogh, à une époque où le panache argenté des locos à vapeur se diluait dans le ciel et où des roulements de tonnerre annonçaient l’arrivée des convois.Ce qui a changé, depuis : la fée Electricité a tissé des toiles d’araignée au dessus du pont, qu’elle a accroché avec beaucoup de goût à des poteaux élancés fixés sur les piles du pont. De la belle dentelle, à la fois rigide et frissonnante.
En définitive, j’ai pris soin de dessiner le célèbre pont de loin, alors que la pluie menaçait, et le résultat me semblait assez banal, peu convaincant. Comme je n’étais pas satisfait, je me suis rapproché de son tablier, pour l’observer de biais, presque à ses pattes (ses pieds, pardon… ne parlions-nous pas d’araignée?). C’est à ce moment précis que j’ai pris conscience de la fascination qu’il a exercée sur Van Gogh. J’ai dessiné le pont en dix minutes, simplifiant à l’extrême les entrecroisements de lignes verticales et horizontales, les contrastes entre les zones de blanc et d’ombre, entre les pierres et le métal, le caractère massif des armatures métalliques et la broderie des caténaires à peine esquissée… Tout ça est très captivant, bien autant que la façade d’une cathédrale majestueuse au crépuscule.


Gennevilliers  Elle en fabrique, des souvenirs,
la presse Bliss !


Dessin réalisé au crayon le 10 octobre 2011

A l’entrée de Gennevilliers, immense commune de 40.000 habitants, quand on vient du métro Gabriel Péri, en direction de l’hôtel de ville, on tombe nez à nez sur une «sculpture» insolite. La presse Bliss se dresse à proximité d’une «grande barre», fort bien conservée, et  - sur la droite -  d’un terrain appelé à accueillir l’Eco quartier Chandon, un projet immobilier phare. Mélanges d’habitats sociaux, de logements en accession à la propriété, de bureaux et équipements publics).
La presse Bliss, surmontée d’une grappe de roues multicolores qui ont jadis tourné ensemble, est le symbole d’un âge en grande partie révolu: l’ère industrielle a garanti à Gennevilliers comme à tant d’autres communes franciliennes une exceptionnelle prospérité. Sur ce terrain fonctionnait un équipementier lié à l’industrie automobile, Chausson.
La Presse Bliss fait sept mètres de hauteur et elle pèse 155 tonnes. Le jour et la nuit, elle se signale de loin par ses larges aplats de jaune, orange, rouge et vert.
Ironie du destin: ce n’est plus tant elle qui impressionne par son vacarme, sa force, mais le flot de voitures sévissant tout autour d’elle. La presse, qui a contribué à la fabrication de tant de voitures, se contente d’assister, hélas impuissante, à cet incessant ballet de carcasses métalliques.



Gennevilliers (suite)  Une ville peut en cacher une autre...

Dessin fait au stylo, crayon et néocolor un jour d'hiver 2012

A première vue, quand on y débarque à partir de la station de métro Gabriel Péri, Gennevilliers est une ville effarante. Barrant l’horizon, une profusion de tours et d’immeubles abritent une forte concentration de citoyens, au pied desquelles des troupeaux de voitures broutent le bitume. Mais une ville apparemment tentaculaire peut en cacher une autre, beaucoup plus affable et attachante.
Gennevilliers fait partie de ces villes qui pour beaucoup de Franciliens ne sont qu’un nom sur la carte des lignes du métro-RER+Transilien. Pourtant, elle s’avère riche de toute une histoire intensément vécue et d’activités locales en perpétuelle mouvance. «Attention, tu crois te trouver dans une ville régie par l’anonymat et tu t’apercevras qu’elle est un village où un peu tout le monde se connaît», m’avait prévenu une bonne connaissance.
Effectivement, après quelques mois passé à Gennevilliers, on découvre que la population est variée, tissée de destins parfois extraordinaires, et que le béton partout présent s’adoucit et même s’attendrit par le fleurissement d’associations de toute sorte générant du lien social.
Les 42.000 habitants recensés dans cette commune s’étendant sur 1160 hectares ont à disposition des services culturels, sociaux et économiques assez exceptionnels. Détail incontournable: 2/3 des habitants vivent dans des logements de type HLM. Nombre de ces logements publics datent de l’époque où Gennevilliers accueillait des usines dévoreuses de main d’œuvre. La ville a dû faire face, non sans douleurs, à la désindustrialisation frappant de plein fouet la France, et elle lutte pour accueillir toujours davantage de sociétés de service. En outre, le port de Gennevilliers, qui s’étend sur 370 hectares, est l’un des plus importants de l’Ile-de-France, contribuant à la (relative) prospérité de cette ville.



Asnières et Bois Colombes  Une rue à la fois parisienne et provinciale

Dessin fait au crayon lr 12 mars 2012, bien au chaud dans un restaurant


A cheval sur les communes d’Asnières et de Bois-Colombes, la rue des Bourguignons s'avère à la fois très parisienne et très provinciale. Les magasins et échopes les plus variés se succèdent de chaque côté, attirant une clientèle étoffée tout au long de la journée. Epiciers, bazars, serruriers, pharmacies, boulangeries, chocolatiers, agences immobilières, banques, etc. Mais aussi restaurants et traiteurs asiatiques. A première vue, elle paraît interminable, la rue des Bourguignons! Sans doute parce qu’elle aurait trop d’histoires à égrener si les briques, pierres meulières et enduits de ses façades se mettaient à parler. Le caractère hétérogène des habitations et la pléthore de petits commerces dégagent une atmosphère très particulière, duvetée d’une certaine nostalgie, avec des facettes parfois désuètes qui lui confèrent un charme évident.

Asnières La gare Lish en voie de pourrissement


Dessin fait au stylo feutre, mars 2012
 Dans la charnière des communes d’Asnières-sur-Seine et de Bois-Colombes, sur un étroit terrain délimité par deux tranchées où s’engouffrent des trains de voyageurs: voilà que surgit une gare fantôme, comme un navire échoué sur un rocher. Mais en la découvrant, sans même connaître sa prestigieuse histoire, on ne peut qu’être subjugué par son originalité. Elle fut belle, indubitablement, la gare Lisch (du nom d'un architecte spécialisé dans les ouvrages ferroviaire, Just Lisch) !
Au bout de l’impasse des Carbonnets, le passant peut admirer une armature métallique, triangulaire, entre les nervures de fer de laquelle se côtoient des rectangles de verre, certains en partie ébréchés, voire volatilisés. De chaque côté : une pagode, au bel appareillage de briques, au sommet de laquelle, protégée par une marquise en dos d’âne, trône une fleur en céramique, blanche sur fond bleu, au cœur si jaune...
En train de rouiller, de se désagréger, cette gare constitue un scandale : pitoyablement protégée, elle est la seule survivante des quatre gares aménagées au pied de la tour Eiffel à l’occasion de l’Exposition universelle de 1878. Elle fut remontée sur le territoire de la commune d’Asnières en 1889, pour accueillir des voyageurs en provenance de Paris.
Puis la gare Lisch a sombré dans le désœuvrement, jusqu’à faire l’objet d’un projet de démolition, sauvée de justesse grâce aux efforts d’un historien habitant la région. Bien qu’inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1985, elle souffre d’un avenir très incertain.




Villeneuve-la-Garenne  Les péniches à l'heure du nouveau tram... 

Dessin fait au stylo feutre le 25 mai 2012

Le pont du Petit Bras enjambe un bras de la Seine pour relier deux départements : Villeneuve-la-Garenne, au fin fond du 92, et l’Ile-Saint-Denis, une commune insulaire au tout début du 93… Tout un événement : à partir de la fin 2012, ce pont ne voit plus seulement défiler des voitures, mais aussi des rames de tramway, celles desservant un nouveau tronçon de la ligne T1 (dix stations supplémentaires !)
Davantage de bruit, davantage de monde : avec l’arrivée du tramway, les bords de Seine ne seront-ils pas condamnés, soudain, à une certaine ébullition, là même où l’eau, à la nuit tombée, se plisse au gré de tourbillons déclenchés, parfois, par l’incursion de canoë kayaks? Des péniches, certaines de grande envergure à l’instar de la Marie Jeanne, suscitent la curiosité lorsqu’on longe ce bras de Seine le long d’une allée. Une allée où, le soir venu, des personnes de tous âges s’aventurent pour que leur chien prenne l’air.
Plusieurs de ces péniches ont des couleurs chaudes, dans la gamme des bleus et des verts. Un ourlet blanc leur donne une touche supplémentaire de charme. Pots de fleurs (avec ou sans fleurs…), arrosoirs, chaises, vélos, etc. : les ponts de plusieurs péniches sont jonchés d’objets dénotant l’existence d’une vie humaine, à bord. Une vie qui se reflète, au crépuscule, à travers les disques jaunes s’allumant au ras de l’eau. En fait, ce sont les hublots derrière lesquels on peut deviner des ombres (humaines) en train de se mouvoir.



Courbevoie  L'inspiration foisonne
sous le pinceau de l'automne 




De la fin août à la fin octobre, nos villes sont le théâtre d’un drame magnifique qui nous rappelle notre condition de passagers très éphémères sur cette terre de France. Muni de ses pots de peinture, armée jusqu’aux dents de ses pinceaux, l’Automne (ici même, il mérite une majuscule) se met à repeindre la nature, jusqu’au cœur des cités, avec son incroyable maîtrise des gammes de couleurs. Parfois maladroit, il est vrai, cet artiste manque du sens des nuances, ayant tendance à barioler des surfaces trop grande. Et son talent est très supérieur à celui des petits graffiteurs minables qui se défoulent sur des murs et mobilier urbain de toute sorte.
Mais comme tous les créateurs, l’Automne vit une tragédie dont il se console par un excès de débauche visuelle: son œuvre est mortelle, son existence même se limite à trois mois sur le calendrier. Il signe son acte de mort de la manière la plus éblouissante qui soit, et tandis que son inspiration s’épuise de tant d’appels au secours, il songe à nous transmettre le meilleur de lui-même. Qui ne se laisse pas émouvoir par l’Automne, ses dernières belles journées ensoleillées, ses marrons se fracassant le nez sur le bitume déjà mouillé, ses légumes plantureux dont des soupes revigorantes se gorgent pour restituer les saveurs des potagers, et les pulls de laine dont on commence à se couvrir?
 
 
 
Saint-Denis  Ici bat le coeur
de l'histoire de France 
 
 
 
 
Côté pile: une façade de style roman, à certains égard pleine de maladresses, comme rapiécée par endroits, avec des aplats de tâches sombres et un air plutôt tristounet. Des créneaux, courant au-dessus de l’ensemble, lui donnent une sévérité accrue. L’unique clocher, percé de deux rangées de baies, a des airs gauches, privé de ces flèches éprises de hauteur que brandissent tant de cathédrales. La rosace assez grossièrement élaborée, plus petite que les baies situées aux niveaux inférieurs, aurait mérité de prendre davantage d’ampleur.

Coté face: une nef de style résolument gothique. Telle une fleur déployant ses pétales, d’un bleu limpide, la rosace du transept Nord fleurit au milieu d’une éclosion de vitraux. Ceux-ci se juxtaposent, accomplissant une imperceptible métamorphose au gré des heures.
Impression de se trouver dans un jardin, exacerbée par la présence d’innombrables motifs végétaux visant à alléger la structure de pierre. Nervures des ogives figurant des tiges, arches évidées (notamment les galeries) signifiant autant de feuilles…

La basilique de Saint-Denis transpire la richesse d’une époque où elle était le chœur d’un corps spirituel qui comprenait une trentaine de monastères dispersés dans tout le royaume. C’était une abbaye puissante, sur le destin de laquelle veillaient des abbés, dont le fameux Suger au douzième siècle. Puis elle ne tarda pas, quant les Capétiens s’emparèrent de la couronne, à recevoir les corps des monarques défunts. Quelque 70 rois et reines reposent aujourd’hui dans cette nécropole. Mais une précision s’impose : les restes des rois étaient conservés de manière plurielle. Leur chœur, leurs entrailles et leurs corps se voyaient acheminer vers des «dernières demeures» différentes. La basilique, elle, a vocation à n’«héberge» que les corps.

Hélas, cette basilique où bat le cœur de l’Histoire de France est passablement dépaysée. Mis à part quelques maisons sympathiques de l’autre côté du parvis, mis à part aussi le bel hôtel de ville assez imposant, les environs sont plutôt hideux. Comment les pouvoirs publics ont-ils pu tolérer que la basilique royale soit prise dans une gangue de bâtiments hideux? Il semblerait que les autorités et les urbanistes eurent la volonté, ainsi, de porter atteinte à la basilique, d’administrer un coup de canif supplémentaire à l’histoire de France. Une honte!!!


Saint-Denis (suite)Un carmel devenu un musée
 


 
Les Parisiens (nombre d’entre eux, mais pas tous quand même!) ont un vilain défaut : ils se plaisent à ignorer les richesses que recèlent la capitale et la banlieue, préférant s’étourdir de rêves d’escapades à l’étranger.
Saint-Denis souffre d'une mauvaise réputation: ville tumultueuse où la délinquance pullule. Mais cela vaut la peine de braver les prétendus périls pour admirer au moins deux merveilles. La basilique, première grande église gothique en France, et le musée d’Art et d’Histoire, dont les collections sont plurielles.
Les pôles d’intérêt de ce musée sont variés: une collection d’archéologie médiévale, une expo sur la Commune de Paris, etc.
En fait, le musée occupe les bâtiments d’un ancien carmel sauvé de justesse par la municipalité à la fin du vingtième siècle. Imaginez donc ce privilège: de longues heures passées sans être importuné par aucune sonnerie de portable ou autre bruits malveillant ! Rien que la contemplation de la cour intérieure du cloître justifie le déplacement. De vastes toitures coiffent des bâtiments aux lignes harmonieuses, dont les fenêtres allongées prolongent les arcades. En hiver, les branches tortueux et sinueux des arbres semblent figurer autant de bras tendus vers le Ciel pour le supplier d'en finir avec la douleur des êtres vivants.
Quelques 170 sentences, peintes sur les murs - dans les couloirs et les diverses salles, - reflètent la foi des carmélites et la discipline rigide qu’elles observaient. Parmi les plus «impitoyables» sentences: «Nul ne peut vivre ici s’il ne veut s’humilier de tout cœur pour Dieu.»



Versailles(texte bientôt disponible) 



 

 

samedi 15 septembre 2012


En voiture pour
de belles destinations franciliennes


(en passant, bien sûr, par Paris)


Une rame TER en gare du Nord

Le long du fleuve tourmenté de l’histoire surgit une île, à la fois fabuleuse, fastueuse et bien réelle: l’Ile-de-France. Et  comme sur toute île, en principe, on s’y sent bien, à la fois entouré par l’eau sachant imposer ses distances et baigné par l’envie de bâtir des rêves…

C’est le grand songe d’une région qui a tant de choses et richesses à offrir, sur un territoire en définitive réduit (12.000 km)! La plus petite des régions de France est aussi la plus peuplée, pas loin de douze millions d’âmes. Certes, bien souvent, elle incarne l’enfer des transports en commun saturés, l’asphyxie d’un urbanisme trop dense, la course contre la montre pour gagner sa vie à la sueur de son front.

Mais si on exclue ces «désagréments», on se dit qu’on a la chance, vraiment, de vivre dans une région magnifique, plurielle, où les siècles ont tissé la toile d’un patrimoine éclatant, que tant de peuples nous envient : châteaux, palais, cathédrales, églises, manoirs, monuments de toutes sortes,  et même usines.

L’Ile de France est aussi une région surprenante par ses contrastes et par la diversité de ses paysages, où il suffit de prendre un train pour se retrouver, quelques minutes plus tard, au chœur d’une forêt ou  - notamment dans l’Essonne et la Seine et Marne -  au milieu d’une immensité de champs submergés par le silence. Et puis, à quelques dizaines de kilomètres de Paris, il existe encore bien des villages échappant aux ravages de l’incivilité et de l’insécurité, où «tout le monde» se connaît.

Enfin, lors de ces échappées belles, il convient de se laisser subjuguer par des atmosphères fluviales mêlant intimité et soif du grand large : ponts, péniches, moulins… Pour autant, n’oublions pas que l’Ile-de-France est la région la plus créatrice de richesses en France, d’où la présence, dans l’éventail de dessins présentés ici-même, de plusieurs usines… ou mêmes de réminiscences industrielles, telle la Presse Bliss bien visible dans les rues de Gennevilliers.
L’Ile-de-France : elle est si belle, si pleine de joyaux et de gens formidables qu’on en vient à se demander pourquoi, au lieu de vouloir voyager toujours si loin, on ne devrait pas se mettre à la (re)découvrir en priorité…

Yann Le Houelleur




Notre-Dame de Paris 
Un vaisseau ancré au coeur de notre histoire


Dessin fait au crayon le 13 février 2010 à travers les baies du café le Panis
Toute évocation de Paris et de l’Ile-de-France ne peut que débuter par elle! Car Notre-Dame constitue le cœur de cette région tout comme elle est au cœur de l’histoire de France, une histoire sur laquelle, hélas, tant de gens font aujourd’hui l’impasse.

La première pierre de Notre-Dame fut posée en 1163, en la présence du roi Louis VII.
Au milieu du parvis de la cathédrale  - un espace foulé par des millions de touristes chaque année -  est incrustée une plaque de bronze comportant les quatre points cardinaux. En fait, le kilomètre zéro de la France, à partir duquel sont mesurées toutes les distances au sein même de notre pays.
Lieu de ralliement, lieu de convergence, Notre-Dame de Paris s’apparente à un vaisseau de pierre et de verre saupoudré de dentelles dont le soleil, quelle que soit la saison, s’arrange toujours pour mettre en exergue la grâce et la majesté.
Sans doute ce chef d’œuvre de l’épopée gothique est-il en France l’église aux proportions les plus harmonieuses, les lignes horizontales et verticales se conjuguant dans le souci d’un parfait équilibre. D’une symétrie parfaite, Notre-Dame a été fort bien préservée au fil des siècles, à tel point que les centaines de saints, d’anges, de chimères, de monstres et de créatures fantastiques sculptées sur la façade et sur les voussures de portails ont conservé leurs têtes et l’intégralité de leurs corps.
Hélas, pendant la seconde moitié du dix-neuvième siècle, les abords de la cathédrale ont été saccagés par le baron Haussmann qui a fait une croix sur les maisons médiévales pour y faire surgir des bâtiments imposants d’une grande froideur architecturale. Ainsi Notre-Dame se trouve-t-elle passablement dépaysée…




Le Louvre
Les rois de France n'ont pas cessé de l'embellir



Dessin fait au stylo feutre et au pastel le 5 mai 2012 dans la cour Napoléon

Quel destin! Le Louvre est à la fois la locomotive des musées français (9 millions de visiteurs par an) et un ancien palais où le cœur de la France a battu intensément. Les pyramides installées dans la cour Napoléon à l’occasion du projet du Grand Louvre ne sont qu’une péripétie de plus dans les interminables chantiers d’embellissement et d’agrandissement que connut l’ancien siège du pouvoir royal.

Comment imaginer, au milieu de ce déploiement d’ailes de bâtiments à la fois cossus et élégants, ruisselants d’ornements et ornés de sculptures, que le Louvre fut à l’origine un donjon haut de 30 mètres entouré d’un rempart flanqué de tours? Au Moyen-âge, Paris était en proie à d’incessantes offensives. Et c’est François 1
er qui à partir de 1528 donna le coup d’envoi de la métamorphose perpétuelle du Louvre, dont il fit une demeure royale. En 1546, il fit araser le donjon et ordonna l’édification d’un bâtiment Renaissance.
Henri II, Henri IV, Louis XIV, Louis XVI, puis Napoléon III : dans le droit fil de François 1er, les rois et empereurs de France firent appel aux architectes les plus renommés pour moderniser et étoffer le Louvre, lequel est à la fois régi par la Renaissance et le classicisme.
Quand on visite ce musée, il ne faut donc pas se contenter d’admirer les œuvres de toutes les époques exposées, parmi lesquelles la fameuse Joconde. Il importe aussi se replonger dans l’histoire de France et de comprendre l’évolution de l’architecture.
Bien d’autres châteaux, à travers l’Ile-de-France  - en particulier Versailles et Fontainebleau -  ont certains points communs avec le Louvre, construits par les mêmes rois et les mêmes architectes par les mêmes rois!



 Le pont Neuf

En été, le rendez-vous
de prédilection des Parisiens


Dessin fait au crayon, au stylo feutre et au pastel le 23 août 2012 

Quand le soleil se fait tapageur, en été surtout, de nombreux Parisiens se mettent en quête de fraîcheur, en plein air, après leur journée de travail. La chaleur les incite à renouer avec celle qui a donné naissance à la ville: la Seine!

A la nuit tombée, les rives du fleuve regorgent de toute une vie tissée de convivialité et de détente. La moindre portion de berge disponible prend les allures d’une terrasse d’auberge improvisée: des groupes d’amis étalent, sur des nappes blanches ou à carreaux, toutes sortes de vivres; et le rosé, parfois même le champagne, se met à couler à flots
Parmi les rendez-vous de prédilection des Parisiens, tout comme des touristes: un square situé en contrebas du vénérable Pont Neuf, appelé Vert Galant. Tel était le surnom donné au roi Henri IV.

Rien de plus agréable que de se détendre en écoutant les clapotis de l’eau, une musique qu’étouffent, assez fréquemment, des chalands et des bateaux mouche glissant sur la Seine.
On ne se lasse pas d’admirer les ponts de la capitale, et le square du Vert-Galant est un excellent point de vue en la matière. En aval s’étire, soutenu par des arches ténues, le Pont des Arts, avec en arrière plan l’époustouflante masse du Louvre ponctuée de dômes en impériale.
En amont, l’un des «monuments» les plus emblématiques de Paris: le Pont Neuf, inauguré sous les auspices d’Henri IV en 1607. Au Moyen-âge, puis au début de la Renaissance, les ponts étaient encore «bâtis»: le nouveau venu apparaissait dépourvu de toute maison et il comportait des trottoirs. L’architecte Baptiste Audrouet du Cerceau soigna l’esthétique du Pont Neuf: des balconnets en demi-lune furent aménagés entre les douze arches et sous l’entablement furent sculptés des mascarons, des grotesques au nombre de 381.


Saint-Lazare
Tant d'années après Monet...
Dessin fait au crayon, au stylo feutre et au pastel le 3 avril 2008 
La gare semble régie par les humeurs circulaires de maintes horloges. Selon les heures et les quarts d’heures affichés, les aiguilles imitent tantôt le bec d’un oiseau tantôt une danseuse faisant le grand écart.
Le mariage des aiguilles et des aiguillages, dans cette gare qui n'a plus vraiment d'âge.

S’envolent les minutes. Se faufilent, entre les quais, les trains. Et s’engouffrent dans les rames, au premier coup de sifflet venu, des voyageurs impatients de regagner leur demeure.
Les motrices poussent des soupirs et des halètements étouffés.
Cela fait si longtemps qu’elles ont disparu, les locomotives à vapeur dont le panache blanc et argenté avait enchanté le pinceau de Claude Monet
Si cet impressionniste se remettait à peindre Saint Lazare aujourd’hui même, il lui faudrait ajouter un incontournable détail : les panneaux d’affichage électroniques de la SNCF, criblés de lettres jaunes, annoncent les heures de départ et d’arrivée des trains, avec des destinations moins exotiques: Enghien, Houilles, Pontoise, Asnière, Bois Colombes, ainsi que Rouen et Le Havre…

Le pont d'Asnières 
Il a inspiré Van Gogh...

Dessin réalisé au crayon le 23 avril 2011
Ce pont ferroviaire enjambant la Seine entre les communes de Clichy-la-Garenne et d’Asnières a été immortalisé par Van Gogh, à une époque où le panache argenté des locos à vapeur se diluait dans le ciel et où des roulements de tonnerre annonçaient l’arrivée des convois.Ce qui a changé, depuis: la fée Electricité a tissé des toiles d’araignée au dessus du pont, qu’elle a accroché avec beaucoup de goût à des poteaux élancés fixés sur les piles du pont. De la belle dentelle, à la fois rigide et frissonnante.
En définitive, j’ai pris soin de dessiner le célèbre pont de loin, alors que la pluie menaçait, et le résultat me semblait assez banal, peu convaincant. Comme je n’étais pas satisfait, je me suis rapproché de son tablier, pour l’observer de biais, presque à ses pattes (ses pieds, pardon… ne parlions-nous pas d’araignée?). C’est à ce moment précis que j’ai pris conscience de la fascination qu’il a exercée sur Van Gogh. J’ai dessiné le pont en dix minutes, simplifiant à l’extrême les entrecroisements de lignes verticales et horizontales, les contrastes entre les zones de blanc et d’ombre, entre les pierres et le métal, le caractère massif des armatures métalliques et la broderie des caténaires à peine esquissée… Tout ça est très captivant, bien autant que la façade d’une cathédrale majestueuse au crépuscule.


Gennevilliers
Elle en fabrique, des souvenirs,
la presse Bliss !


Dessin réalisé au crayon le 10 octobre 2011

A l’entrée de Gennevilliers, immense commune de 40.000 habitants, quand on vient du métro Gabriel Péri, en direction de l’hôtel de ville, on tombe nez à nez sur une «sculpture» insolite. La presse Bliss se dresse à proximité d’une «grande barre», fort bien conservée, et  - sur la droite -  d’un terrain appelé à accueillir l’Eco-quartier Chandon, un projet immobilier phare. Mélanges d’habitats sociaux, de logements en accession à la propriété, de bureaux et équipements publics).
La presse Bliss, surmontée d’une grappe de roues multicolores qui ont jadis tourné ensemble, est le symbole d’un âge en grande partie révolu: l’ère industrielle a garanti à Gennevilliers comme à tant d’autres communes franciliennes une exceptionnelle prospérité. Sur ce terrain fonctionnait un équipementier lié à l’industrie automobile, Chausson.
La Presse Bliss fait sept mètres de hauteur et elle pèse 155 tonnes. Le jour et la nuit, elle se signale de loin par ses larges aplats de jaune, orange, rouge et vert.
Ironie du destin: ce n’est plus tant elle qui impressionne par son vacarme, sa force, mais le flot de voitures sévissant tout autour d’elle. La presse, qui a contribué à la fabrication de tant de voitures, se contente d’assister, hélas impuissante, à cet incessant ballet de carcasses métalliques.



Gennevilliers (suite)
Une ville peut en cacher une autre...

Dessin fait au stylo, crayon et néocolor un jour d'hiver 2012

A première vue, quand on y débarque à partir de la station de métro Gabriel Péri, Gennevilliers est une ville effarante. Barrant l’horizon, une profusion de tours et d’immeubles abritent une forte concentration de citoyens, au pied desquelles des troupeaux de voitures broutent le bitume. Mais une ville apparemment tentaculaire peut en cacher une autre, beaucoup plus affable et attachante.

Gennevilliers fait partie de ces villes qui pour beaucoup de Franciliens ne sont qu’un nom sur la carte des lignes du métro-RER+Transilien. Pourtant, elle s’avère riche de toute une histoire intensément vécue et d’activités locales en perpétuelle mouvance. «Attention, tu crois te trouver dans une ville régie par l’anonymat et tu t’apercevras qu’elle est un village où un peu tout le monde se connaît», m’avait prévenu une bonne connaissance.
Effectivement, après quelques mois passé à Gennevilliers, on découvre que la population est variée, tissée de destins parfois extraordinaires, et que le béton partout présent s’adoucit et même s’attendrit par le fleurissement d’associations de toute sorte générant du lien social.
Les 42.000 habitants recensés dans cette commune s’étendant sur 1160 hectares ont à disposition des services culturels, sociaux et économiques assez exceptionnels. Détail incontournable: 2/3 des habitants vivent dans des logements de type HLM. Nombre de ces logements publics datent de l’époque où Gennevilliers accueillait des usines dévoreuses de main d’œuvre. La ville a dû faire face, non sans douleurs, à la désindustrialisation frappant de plein fouet la France, et elle lutte pour accueillir toujours davantage de sociétés de service. En outre, le port de Gennevilliers, qui s’étend sur 370 hectares, est l’un des plus importants de l’Ile-de-France, contribuant à la (relative) prospérité de cette ville.



Asnières et Bois Colombes
Une rue à la fois parisienne et provinciale

Dessin fait au crayon lr 12 mars 2012, bien au chaud dans un restaurant


A cheval sur les communes d’Asnières et de Bois-Colombes, la rue des Bourguignons s'avère à la fois très parisienne et très provinciale. Les magasins et échopes les plus variés se succèdent de chaque côté, attirant une clientèle étoffée tout au long de la journée. Epiciers, bazars, serruriers, pharmacies, boulangeries, chocolatiers, agences immobilières, banques, etc. Mais aussi restaurants et traiteurs asiatiques. A première vue, elle paraît interminable, la rue des Bourguignons! Sans doute parce qu’elle aurait trop d’histoires à égrener si les briques, pierres meulières et enduits de ses façades se mettaient à parler. Le caractère hétérogène des habitations et la pléthore de petits commerces dégagent une atmosphère très particulière, duvetée d’une certaine nostalgie, avec des facettes parfois désuètes qui lui confèrent un charme évident.

Asnières
La gare Lisch en voie de pourrissement


Dessin fait au stylo feutre, mars 2012
 Dans la charnière des communes d’Asnières-sur-Seine et de Bois-Colombes, sur un étroit terrain délimité par deux tranchées où s’engouffrent des trains de voyageurs: voilà que surgit une gare fantôme, comme un navire échoué sur un rocher. Mais en la découvrant, sans même connaître sa prestigieuse histoire, on ne peut qu’être subjugué par son originalité. Elle fut belle, indubitablement, la gare Lisch (du nom d'un architecte spécialisé dans les ouvrages ferroviaire, Just Lisch) !

Au bout de l’impasse des Carbonnets, le passant peut admirer une armature métallique, triangulaire, entre les nervures de fer de laquelle se côtoient des rectangles de verre, certains en partie ébréchés, voire volatilisés. De chaque côté : une pagode, au bel appareillage de briques, au sommet de laquelle, protégée par une marquise en dos d’âne, trône une fleur en céramique, blanche sur fond bleu, au cœur si jaune...
En train de rouiller, de se désagréger, cette gare constitue un scandale : pitoyablement protégée, elle est la seule survivante des quatre gares aménagées au pied de la tour Eiffel à l’occasion de l’Exposition universelle de 1878. Elle fut remontée sur le territoire de la commune d’Asnières en 1889, pour accueillir des voyageurs en provenance de Paris.
Puis la gare Lisch a sombré dans le désœuvrement, jusqu’à faire l’objet d’un projet de démolition, sauvée de justesse grâce aux efforts d’un historien habitant la région. Bien qu’inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1985, elle souffre d’un avenir très incertain.




Villeneuve-la-Garenne
Les péniches à l'heure du nouveau tram... 


Dessin fait au stylo feutre le 25 mai 2012

Le pont du Petit Bras enjambe un bras de la Seine pour relier deux départements : Villeneuve-la-Garenne, au fin fond du 92, et l’Ile-Saint-Denis, une commune insulaire au tout début du 93… Tout un événement : à partir de la fin 2012, ce pont ne voit plus seulement défiler des voitures, mais aussi des rames de tramway, celles desservant un nouveau tronçon de la ligne T1 (dix stations supplémentaires !)

Davantage de bruit, davantage de monde : avec l’arrivée du tramway, les bords de Seine ne seront-ils pas condamnés, soudain, à une certaine ébullition, là même où l’eau, à la nuit tombée, se plisse au gré de tourbillons déclenchés, parfois, par l’incursion de canoë kayaks? Des péniches, certaines de grande envergure à l’instar de la Marie Jeanne, suscitent la curiosité lorsqu’on longe ce bras de Seine le long d’une allée. Une allée où, le soir venu, des personnes de tous âges s’aventurent pour que leur chien prenne l’air.
Plusieurs de ces péniches ont des couleurs chaudes, dans la gamme des bleus et des verts. Un ourlet blanc leur donne une touche supplémentaire de charme. Pots de fleurs (avec ou sans fleurs…), arrosoirs, chaises, vélos, etc. : les ponts de plusieurs péniches sont jonchés d’objets dénotant l’existence d’une vie humaine, à bord. Une vie qui se reflète, au crépuscule, à travers les disques jaunes s’allumant au ras de l’eau. En fait, ce sont les hublots derrière lesquels on peut deviner des ombres (humaines) en train de se mouvoir.



Courbevoie
L'inspiration foisonne sous le pinceau de l'automne 



Dessin fait au stylo, crayon et tache de café, le 10 novembre 2010

De la fin août à la fin octobre, nos villes sont le théâtre d’un drame magnifique qui nous rappelle notre condition de passagers très éphémères sur cette terre de France. Muni de ses pots de peinture, armée jusqu’aux dents de ses pinceaux, l’Automne (ici même, il mérite une majuscule) se met à repeindre la nature, jusqu’au cœur des cités, avec son incroyable maîtrise des gammes de couleurs.
Parfois maladroit, il est vrai, cet artiste manque du sens des nuances, ayant tendance à barioler des surfaces trop grande. Et son talent est très supérieur à celui des petits graffiteurs minables qui se défoulent sur des murs et mobilier urbain de toute sorte.
Mais comme tous les créateurs, l’Automne vit une tragédie dont il se console par un excès de débauche visuelle: son œuvre est mortelle, son existence même se limite à trois mois sur le calendrier. Il signe son acte de mort de la manière la plus éblouissante qui soit, et tandis que son inspiration s’épuise de tant d’appels au secours, il songe à nous transmettre le meilleur de lui-même. Qui ne se laisse pas émouvoir par l’Automne, ses dernières belles journées ensoleillées, ses marrons se fracassant le nez sur le bitume déjà mouillé, ses légumes plantureux dont des soupes revigorantes se gorgent pour restituer les saveurs des potagers, et les pulls de laine dont on commence à se couvrir?

Neuilly-sur-Seine

Un zeste de romantisme automnal




Dessin fait avec des stylos-feutre, le 28 octobre 2011
 

Les Parisiens et Franciliens ont bien de la chance : quelques stations de métro aisément digérées et ils peuvent goûter à des fragments de paysages fluviaux, avec abondance de végétation.
Même un département aussi peuplé et hyper urbanisé tels que les Hauts de Seine réserve des oasis de paix et de ressourcement. Telle l’Ile de la Grand Jatte, en marge de Neuilly et de Levallois, où des balades s’offrent aux riverains et aux promeneurs. Les panaches des arbres ont tout de même du mal à rivaliser avec les jaillissements vertigineux des tours proches de la Défense (pas si belles que ça, en définitive, un point de vue personnel !)
Comme en maints autres endroits, recoins, bras et anses de la nonchalante Seine, on peut admirer «le design» épuré, parfois même très classe, de péniches qui ont jeté l’ancre. Certaines sont devenues des résidences personnelles, d’autres servent de restaurants, dancing ou salles de mariage.
En tout cas, s’il est une saison où il convient de tirer profit de la beauté des bords de la Seine, c’est bien l’automne, surtout à la fin octobre, quand des éclats de jaune vif, des éclaboussures de rouge et d’orange, font penser à un embrasement général. Mais bientôt, la plupart des arbres ne seront plus que des squelettes, des coups de griffe administrés dans le ciel livide.
Le pavillon faisant le guet, à l’extrémité de l’Ile de la Grande Jatte située face au Pont de Neuilly (qu’emprunte la ligne n° 1 du métro), paraîtra alors flotter dans une certaine solitude, avant que ne soit célébrée la résurrection des peupliers, saules, platanes et autres arbres tout autour…



Saint-Denis

Ici bat le coeur de l'histoire de France 




Dessin fait au crayon le 2 février 2012

Côté pile: une façade de style roman, à certains égard pleine de maladresses, comme rapiécée par endroits, avec des aplats de tâches sombres et un air plutôt tristounet. Des créneaux, courant au-dessus de l’ensemble, lui donnent une sévérité accrue. L’unique clocher, percé de deux rangées de baies, a des airs gauches, privé de ces flèches éprises de hauteur que brandissent tant de cathédrales. La rosace assez grossièrement élaborée, plus petite que les baies situées aux niveaux inférieurs, aurait mérité de prendre davantage d’ampleur.

Coté face: une nef de style résolument gothique. Telle une fleur déployant ses pétales, d’un bleu limpide, la rosace du transept Nord fleurit au milieu d’une éclosion de vitraux. Ceux-ci se juxtaposent, accomplissant une imperceptible métamorphose au gré des heures.
Impression de se trouver dans un jardin, exacerbée par la présence d’innombrables motifs végétaux visant à alléger la structure de pierre. Nervures des ogives figurant des tiges, arches évidées (notamment les galeries) signifiant autant de feuilles…

La basilique de Saint-Denis transpire la richesse d’une époque où elle était le chœur d’un corps spirituel qui comprenait une trentaine de monastères dispersés dans tout le royaume. C’était une abbaye puissante, sur le destin de laquelle veillaient des abbés, dont le fameux Suger au douzième siècle. Puis elle ne tarda pas, quant les Capétiens s’emparèrent de la couronne, à recevoir les corps des monarques défunts. Quelque 70 rois et reines reposent aujourd’hui dans cette nécropole. Mais une précision s’impose : les restes des rois étaient conservés de manière plurielle. Leur chœur, leurs entrailles et leurs corps se voyaient acheminer vers des «dernières demeures» différentes. La basilique, elle, a vocation à n’«héberge» que les corps.

Hélas, cette basilique où bat le cœur de l’Histoire de France est passablement dépaysée. Mis à part quelques maisons sympathiques de l’autre côté du parvis, mis à part aussi le bel hôtel de ville assez imposant, les environs sont plutôt hideux. Comment les pouvoirs publics ont-ils pu tolérer que la basilique royale soit prise dans une gangue de bâtiments hideux? Il semblerait que les autorités et les urbanistes eurent la volonté, ainsi, de porter atteinte à la basilique, d’administrer un coup de canif supplémentaire à l’histoire de France. Une honte!!!

Saint-Denis (suite)
Un carmel devenu un musée


Dessin fait au stylo feutre le 9 février 2012

Les Parisiens (nombre d’entre eux, mais pas tous quand même!) ont un vilain défaut : ils se plaisent à ignorer les richesses que recèlent la capitale et la banlieue, préférant s’étourdir de rêves d’escapades à l’étranger.
Saint-Denis souffre d'une mauvaise réputation: ville tumultueuse où la délinquance pullule.
Mais cela vaut la peine de braver les prétendus périls pour admirer au moins deux merveilles. La basilique, première grande église gothique en France, et le musée d’Art et d’Histoire, dont les collections sont plurielles.
Les pôles d’intérêt de ce musée sont variés: une collection d’archéologie médiévale, une expo sur la Commune de Paris, etc.
En fait, le musée occupe les bâtiments d’un ancien carmel sauvé de justesse par la municipalité à la fin du vingtième siècle. Imaginez donc ce privilège: de longues heures passées sans être importuné par aucune sonnerie de portable ou autre bruits malveillant ! Rien que la contemplation de la cour intérieure du cloître justifie le déplacement. De vastes toitures coiffent des bâtiments aux lignes harmonieuses, dont les fenêtres allongées prolongent les arcades. En hiver, les branches tortueux et sinueux des arbres semblent figurer autant de bras tendus vers le Ciel pour le supplier d'en finir avec la douleur des êtres vivants.
Quelques 170 sentences, peintes sur les murs - dans les couloirs et les diverses salles, - reflètent la foi des carmélites et la discipline rigide qu’elles observaient. Parmi les plus «impitoyables» sentences: «Nul ne peut vivre ici s’il ne veut s’humilier de tout cœur pour Dieu.»


Versailles 
Le plus mythique mais pas forcément le plus beau des châteaux français 



Dessin fait avec des stylos-et du pastel, le 3 juillet 2012
De loin, il s’étale tel un gros gâteau qui serait sorti de son moule  précipitamment et qui aurait volé en morceaux: le château de Versailles. Un peu incohérent, avec sa juxtaposition d’ailes aux couleurs beiges, rouges et même or.

Autres temps, autres ambiances : il faut d’abord affronter une meute de voitures massées à travers une vaste aire de stationnement. Rien à voir avec les carrosses d’antan! Puis arrive l’heure de procédures contraignantes : l’achat d’un billet (files d’attente parfois interminables), le franchissement d’un sas de sécurité sous le regard des agents chargés de la sécurité.
Une fois sur place, dans l’enfilade des salles et chambres royales, comment éloigner de ses pensées l’impression que les architectes et artistes contractés par Louis XIV en ont à la fois trop et pas assez fait? (Au premier rang des concepteurs du château: Jules Hardouin-Mansart, incarnant le classicisme à la française.)
La galerie des Glaces exhale la richesse, le luxe, le raffinement à la française. Pourtant, elle ne saurait susciter la même émotion que la Galerie François 1
er, au château de Fontainebleau, dont les symboles, les bestiaires et les personnages traduisent un sentiment d’éveil au monde (la Renaissance).
Versailles, bien sûr et fort heureusement, reste le château français le plus visité. Mythique, objet de tant de songes à l’étranger, incarnant une époque où la France était un pays en pleine ascension et où les gouvernants savaient s’entourer d’artistes et d’hommes de talent. Toutefois, l’architecture est un peu trop rigide, trop répétitive au gré des façades interminables et le résultat paraît parfois un peu bâclé. Les proportions ne sont pas des plus harmonieuses.
Ici, comme ailleurs, les noces célébrées entre la pierre, la végétation et l’eau des bassins engendrent un sentiment de romantisme, de féérie, comme si le Grand Siècle était à l’image de ce que nous croyons en percevoir. On a oublié que l’un des desseins de Louis XIV était d’«entasser», en ces lieux le plus grand nombre possible des membres de la cour et de l’aristocratie pour mieux soumettre tout ce monde à sa volonté. L’atmosphère devait pour beaucoup être étouffante sous les auspices de ce roi brûlant de vanité!





Bouray-sur-Juine 
Un château peu connu, à l'aube du classicisme 



La France possède un patrimoine historique si pléthorique! On peut sans même le vouloir découvrir, à l’occasion d’échappées belles, des sites magnifiques peu connus, hélas abandonnés à leur triste sort.
Le château de Mesnil-Voisin, dans l’Essonne, s’apparente presque à ce «cas de figure». (Mesnil Voisin fait partie de la commune de Bouray-sur-Juine.) Ce monument a retrouvé une seconde jeunesse grâce à la détermination de son plus récent propriétaire, le baron Bertrand de Beaugrenier. Sous ses auspices, huit compagnons se consacraient - en septembre 2012, quand j’ai fait ce dessin - à sa restauration minutieuse.

On ne peut que se réjouir de voir un si brave homme préserver un château s’imposant comme le témoin de tout un pan de l’histoire de France. Des familles prestigieuses en ont été successivement les propriétaires: Claude Cornuel, conseiller de Louis XIII et intendant des Finances; Daniel François Voisin, chancelier et garde des Sceaux du Roi Soleil; le marquis de Broglie, etc.
Mesnil-Voisin frappe par sa relative simplicité et ses proportions: la travée médiane s’avère étroite par rapport à l’ensemble de la façade. Contrairement à bien d’autres châteaux, elle n’est ornée d’aucun fronton et aucun pilastre ne s’y détache. La porte d’entrée est toute simple, accessible par un escalier modeste comportant quelques marches. La toiture, elle, est plus sophistiquée, percée de lucarnes imposantes, certaines couronnées d’un fronton triangulaire, d’autres circulaires, en l’occurrence des oculi.
Pas de doute: Mesnil Voisin remonte à l’époque d’Henri IV. Le baron de Beaugrenier confirme: «Mesnil-Voisin, c’est l’aube du classicisme à la française, une demeure encore humble et austère par rapport à ce qui s’est fait plus tardivement». Il prononce le nom de François Mansart, architecte prestigieux (né en 1598, décédé en 1666) auquel on doit, notamment, le château de Maisons-Lafitte.